Page:Walch - Anthologie des poètes français contemporains, t2, 8e mille.djvu/55

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
49
GEORGES RODENBACH

Quand la pluie, en hiver, la pénètre et la trempe,
Notre Ame, elle n’est plus qu’un haillon sans couleurs.
Comme un drapeau mouillé qui pend contre sa hampe.


EN DES QUARTIERS DESERTS…


En des quartiers déserts de couvents et d’hospices,
Des quartiers d’exemplaire et stricte piété,
Je sais des murs en deuil vieillis sous les auspices
D’un calvaire où s’étale un Christ ensanglanté :
Plantée en ses cheveux, la couronne d’épines
Forme un buisson de clous ; — le corps est en ruines,
Livide, comme si la lance, l’éraflant,
Avait jauni de fiel sa chair inoculée ;
Les yeux sont de l’eau morte, et la plaie à son flanc
Est pareille au cœur noir d’une rose brûlée…
— Œuvre barbare et sombre où le Supplicié
Pend sur le bois noueux d’un gibet mal scié.
Or cette impression de calvaire subsiste
Lorsque le soir en longs crêpes tissés descend ;
Puisqu’on croit voir, au loin, dans le ciel qui s’attriste
Surgir la Nuit où perle une sueur de sang,
Si bien que l’on dirait la Nuit crucifiée !
Car les étoiles sont des clous de cruauté
Qui, s’enfonçant dans sa chair nue et défiée,
Lui font des trous et des blessures de clarté !
Ah ! cette Passion qui toujours recommence !
Ce ciel que l’ombre ceint d’épines chaque soir !
Et soudain, comme au coup d’une invisible lance,
La lune est une plaie ouverte à son flanc noir.


(Paysages de ville.)


LA MAISON PATERNELLE


Inoubliable est la demeure
Qui vit fleurir nos premiers jours I
Maison des Mères ! C’est toujours
La plus aimée et la meilleure.