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Un’ voix criait : « Mieux vaut la tombe ! »
Tombe la neige, tombe, tombe !

C’était un pauv’ petit mitron,
Qui mitronnait des pains d’un rond.

Il se r’mit en marche, tout seul,
Enveloppé d’un blanc linceul.
C’était comme un manteau d’froidure
Qui lui v’nait jusqu’à la ceinture.
Quand il marchait, ses jambes tremblaient ;
Quand il pleurait, ses larmes g’laient.
Tout à coup, pris par l’avalanche,
Il tomba raid’ sur la neig’ blanche.

C’était un pauv’ petit mitron,
Qui mitronnait des pains d’un rond.

Il s’endormit près du gâteau
Et rêva qu’en un blanc château
Trois rois aux simarres étranges,
Le petit Jésus et les anges,
Vêtus de neige et de satin,
L’invitaient à leur blanc festin.
Les mets étaient de blanche neige,
De blanche neige de Norvège.

C’était un pauv’ petit mitron
Qui mitronnait des pains d’un rond.

Au point du jour, un chiffonnier
Quêtant pour emplir son panier,
Vit dans la neige un’ guenill’ blanche.
Il marche, il écoute, il se penche :
C’était comme un soupir d’enfant ;
On aurait dit qu’c’était vivant.
Quéq’ chos’ s’envola d’un’ poitrine :
C’était blanc comme un peu d’farine.

C’était l’àm’ du petit mitron.
Y n’mitronna plus d’pains d’un rond.

(Chansons d’amour. — Mélodie sur un thème du dix-huitième siècle.)