Page:Walch - Anthologie des poètes français contemporains, t3.djvu/176

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Sur leurs pas l’allégresse éclate en jeunes rires,
La terre se colore aux feux divins du jour,
Le vent chante à travers les cordes de leurs lyres,
Et le cœur de la rose a des larmes d’amour.

Là-bas, vers l’horizon roulant des vapeurs roses,
Vers les hauteurs où vibre un éblouissement,
Ivres de s’avancer dans la beauté des choses,
Et d’être à chaque pas plus près du firmament ;

Vers les sommets tachés d’écumes de lumière
Ou piaffent, tout fumants, les chevaux du soleil,
Plus haut, plus haut toujours, vers la cime dernière
Au seuil de l’Empyrée effrayant et vermeil ;

Ils vont, ils vont, portés par un souffle de flamme…
Et l’espérance, triste avec des yeux divins,
Si pâle sous son noir manteau de pauvre femme,
Un jour encore, au ciel lève ses vieilles mains !

Pieds nus, manteaux flottants dans la brise, à l’aurore,
Tels, un jour, sont partis les enfants ingénus,
Le cœur vierge, les mains pures, l’âme sonore…
Oh ! comme il faisait soir, quand ils sont revenus !

Pareils aux émigrants dévorés par les fièvres,
Ils vont, l’haleine courte et le geste incertain,
Sombres, l’envie au foie et l’ironie aux lèvres ;
Et leur sourire est las comme un feu qui s’éteint.

Ils ont perdu la foi, la foi qui chante en route
Et plante au cœur du mal ses talons frémissants.
Ils ont perdu, rongés par la lèpre du doute,
Le ciel qui se reflète aux yeux des innocents.

Même ils ont renié l’orgueil de la souffrance,
Et dans la multitude au front bas, au cœur dur,
Assoupie au fumier de son indifférence,
Ils sont rentrés soumis comme un bétail obscur.

Leurs rêves engraissés paissent parmi les foules ;
Aux fentes de leur cœur d’acier noble bardé,
Le sang altier des forts goutte à goutte s’écoule,
Et puis leur cœur un jour se referme, vidé.