Page:Walch - Anthologie des poètes français contemporains, t3.djvu/305

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Car voici que, dos l’aube, avec des forces neuves,
En se frottant les yeux les hommes sont partis.
Doucement, pour ne pas éveiller les petits,
Et tout le long du jour les femmes seront veuves.

Elles vivent ainsi, courbant la tête aux jougs
Des au s’.ères devoirs que le matin ramène,
Rêvant d’herbe et d’azur au bout de la semaine,
Comme un petit enfant rêve de beaux joujoux.

Toutes, leurs derniers-nés pendus après leurs manches,
Sur des labeurs sans trêve usent leurs yeux rougis,
Tristes sœurs de misère, esclaves du logis,
Pour qui le temps vécu se résume en dimanches.

Mieux que le nourrisson qui crie en son berceau,
Des serins et des fleurs sont leurs amis fidèles :
Car d’instinct les enfants, qui languiraient près d’elles,
En sortant de leurs bras descendent au ruisseau.

Pêle-mêle, ils sont lu, les garçons et les filles ;
Près des flaques où l’eau pendant des mois croupit,
Avec des cris aigus barbote et s’accroupit
Tout ce peuple fangeux de bambins en guenilles.

D’avance résignés, calmes, insoucieux,
Aux promesses des coups qui pleuvent des croisées,
Ils lèvent seulement leurs têtes amusées
Où fleurit la candeur paisible de leurs yeux.

Quelque vieille en haillons, dévouée à leur garde,
Par honte de manger sans payer son écot,
Tout en hâtant l’aiguille aux inailles du tricot,
Sur le bord du trottoir, placidement, regarde.
Parfois, comme une aumône à ses membres perclus,
Voici qu’un pan de ciel au long des toits s’azure
Et coule aux murs heureux de la vieille masure
La pitié d’un rayon qu’elle n’espérait plus.

Et d’en haut, tout à coup, les femmes consolées,
S’avisant que la cruche est vide pour le soir,
Avec du rire au coin des yeux viennent s’asseoir
Dans le soleil qui flambe aux portes des allées.
On s’assemble, on s’attarde, on ne se souvient plus
Des doigts rugueux et las qu’ont meurtris les piqûres,