Page:Walch - Anthologie des poètes français contemporains, t3.djvu/339

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SONNET

Malgré les sifflements stridents et les bagarres,
Et les cris grimaçants des freins et des essieux,
Et cette vapeur qui pénètre dans les yeux, —
Il te plaît, ô mon cœur, d’aller parmi les gares.

C’est là, mon pauvre cœur, c’est là que tu t’égares
Et que tu surprends les troubles de tant d’adieux
Que l’on veut comprimer et qui montent aux cieux
Dans l’encens fumeux des convois et des cigares.

Il te plaît d’assister au départ d’inconnus
Que tu vois aujourd’hui, que tu ne verras plus,
Et dont plus d’un a l’air farouche et magnanime.

Et puis ces femmes dans leurs tristes manteaux gris,
— Beautés chez qui tu sens des cœurs qui sont amis
Et de qui tu retiens le parfum anonyme.

[Remember.)

SONNET

Ce souvenir meurt et renaît…
C’est ici que se promenait,
Dans un temps lointain, l’inquiète
Et l’adorable Mariette.

Devant son air triste et coquet,
Pourquoi mon cœur fut-il muet ?
Aujourd’hui l’épouse muette
Ne peut que plaindre le poète.

A voir encor son délicat
Et vraiment superbe incarnat,
Je deviens rouge un peu comme elle.
A voir sa robe pale et frêle,
Mon cœur pâlit, mon cœur se tait,
Mon cœur défaille de regret.

(Les Grâces Inemployées.)