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LE SACRIFICE D’HAMILKAR

Le Suffète Hamilkar gravit la rude pente
Où l’autel consacré s’érige d’un seul bloc :
Il s’arrête et s’adosse il la haute charpente
Du bûcher, où déjà le feu gronde et serpente,
Et jette au ciel des monts la gloire de Molok.

La plaine d’Himera sous ses yeux durs s’allonge.
Et le cœur du héros, comme son bras, est las,
Car son regard pensif dans la bataille plonge,
Et cherche, écueil debout sous le flot qui le ronge.
L’inébranlable mur des hoplites d’Hellas.

Et, dans l’air lourd de meurtre où lentement tournoie,
En cercles noirs, un noir pygargue au bec béant,
Le vent lui porte, avec un sourd accent de joie,
Dominant le massacre et les clameurs de proie,
L’écho religieux et grave du psean.

En vain, sur la phalange aux armures massives,
Il a poussé trois fois les pesants cavaliers ;
Trois fois, la honte au front et l’écume aux gencives,
Il a vu les juments ibères, convulsives,
Ecraser leurs poitrails sur les grands boucliers.

En vain il a laissé les blessures vermeilles
Empourprer le byssos de sa robe au poil long,
Et, défiant l’épais vol des flèches, pareilles
A l’essaim bourdonnant des stridentes abeilles,
Dispersé le troupeau des archers de Gélon.

Toujours, vivant rempart où la sarisse ondule,
Les hétaïres sont là que nul choc n’a rompus ;
Et leurs panaches, plus hauts dans le crépuscule,
Jettent l’ombre à la plaine, où, pas à pas, recule
Le cercle épouvanté des éléphants trapus.

Ses mercenaires, ses vétérans et sa garde
Cataphracte ont comblé de leurs corps les sillons,
Où le vol des vautours déjà plane et s’attarde,
Et l’Etrusque, et le Celte, et le Volsque, et le Sarde
Engraisseront demain les chiens et les aiglons.