Page:Walch - Anthologie des poètes français contemporains, t3.djvu/428

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Et traîne sans repos son beau corps de géant
Vers la mer apaiseuse où dorment ses sanglots.
Mais le fleuve est trop grand pour rêver sur ses eaux,

{Autour des Feux dans la Brousse.)

SONGERIE PENDANT UNE NUIT CHAUDE

Les féroces hurlaient leur faim à toute gueule.
La brousse vagissait comme pleure un enfant ;
Elle laissait flotter dans la nuit son cœur veule ;
Heureuse, elle écoutait barrir les éléphants.

Et nous ne savions plus les choses tant abjectes,
Les caresses et les mensonges trépassés,
La femme et la science morne qu’elle objecte
A l’abstrait si plaisant où tout va s’effacer.

Et l’orgueil d’être seuls nous faisait l’âme épique ;
On régnait dans son moi sans la gêne d’autrui,
On était le grand orgue au cœur du grand cantique,
Et le cri des douleurs n’était pour nous qu’un bruit.

Cela délecte l’âme, une belle torture
Qui hurle sous les doigts savants du tourmenteur ;
La terre gémissait, grinçait sous la morsure
D’une brute invisible aux longs gestes charmeurs.

Nous rêvions ; alanguis par les proches angoisses,
Nous regardions la brousse où l’éléphant errait.
Voluptueux de l’ombre où des crapauds coassent,
Nous nous sentions heureux parce qu’on y mourait.

[Autour des Feux dans la Brousse.)

PAYSAGE MALADE

Le sol fiévreux où les horizons virent
Avec de la mort dans leur bleu…
La peau du sol frileux
Hérisse ses poils et grelotte sous le rire
Du vent qui pouffe
Et dit un air de flûte à chaque tamarin ;