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Tu souris, entre tes mains pures
Tenant, aux riches ciselures,
La clef d’or des aubes futures.

Et moi qui fuis comme le vent,
— Vers quel horizon décevant ? —
Atome d’infini rêvant ;

Emporté par quel noir quadrige
Que l’heure hâtivement fustige,
Il me reste, dans ce vertige,

Et du néant sombre guetté,
Ce bonheur d’avoir reflété,
Nature, et compris ta Beauté,

Cet espoir profond de renaître
Aux bourgeons emmiellés des hêtres,
Aux chansons des huppes champêtres,

Au cours des ruisseaux opalins,
Aux frissons bleuissants des lins,
Au rire emperlé des matins !…

15 février 1904.

PRINTEMPS

Tout vain désir avec toute pensée expire,
Et ma vie effacée, incertaine, recule,
Car voici, déverse, qu’autour de moi soupire
Le printemps, océan chantant qui s’accumule.
L’immense amour frémit en chaque molécule,
Eclate, et craque, et monte, et brise les cloisons,
Eternel flux berceur dont la force circule
De mon cœur attiédi aux primes floraisons.

J’ai fui hors de moi-même, épanché dans son rire,
Comme un esclave heureux loin de son ergastule.
Les chèvrefeuilles ont enlacé de leurs spires
Les coudriers fleuris. — Le pollen suinte et brûle,
De miel doré criblant corolles et capsules ;
Des grouillements cachés rôdent sous les buissons,
Ou le baiser confus et secret s’articule
De la bête amoureuse aux primes floraisons.