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IL VA NEIGER

Il va neiger dans quelques jours. Je me souviens
de l’an dernier. Je me souviens de mes tristesses
au coin du feu. Si l’on m’avait demandé : « Qu’est-ce ? »
J’aurais dit : « Laissez-moi tranquille. Ce n’est rien. »

J’ai bien réfléchi, l’année avant, dans ma chambre,
pendant que la neige lourde tombait dehors.
J’ai réfléchi pour rien. A présent comme alors
je fume une pipe en bois avec un bout d’ambre.

Ma vieille commode en chêne sent toujours bon.
Mais moi j’étais bète parce que ces choses
ne pouvaient pas changer et que c’est une pose
de vouloir chasser les choses que nous savons.

Pourquoi donc pensons-nous et parlons-nous ? C’est drôle ;
Nos larmes et nos baisers, eux, ne parlent pas,
et cependant nous les comprenons, et les pas
d’un ami sont plus doux que de douces paroles.

On a baptisé les étoiles sans penser
qu’elles n’avaient pas besoin de nom, et les nombres
qui prouvent que les belles comètes dans l’ombre
passeront, ne les forceront pas à passer.

Et maintenant même, où sont mes vieilles tristesses
de l’an dernier ? A peine si je m’en souviens.
Je dirais : « Laissez-moi tranquille, ce n’est rien, »
si dans ma chambre on venait me demander : « Qu’est-ce ? »

(De l’Angélus de l’Aube à l’Angélus du Soir.)

ÉLÉGIE PREMIÈRE

A ALBERT SAMAIN

Mon cher Samain, c’est à toi que j’écris encore.
C’est la première fois que j’envoie à la mort
ces lignes que t’apportera, demain, au ciel,