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NOSTALGIE

Pour Paul Gèraldy.

J’ai le mal du Pays, moi, futur fonctionnaire,
moi, bourgeois citadin, j’ai le mal du Pays !
Je suis las des agents et des portes cochères,
et de la Tour Eiffel qu’on lampionne la nuit !

Mais, si l’énervement crispe mon cœur sauvage,
mes yeux sont doux, tournés vers leur rêve, là-bas,
qui vague lentement sur des toits de village,
dans des pays aimés que je ne connais pas ;

dans de larges pays tout pleins de bonnes gens
ou mon calme désir place de braves filles,
où les bardis soleils d’un grand ciel indulgent
fécondent puissamment la terre et la famille.

J’y cherche les coins d’ombre où de vieilles fermières
s’absorbent sans penser jusqu’à la fin du jour,
si bonnes qu’on voudrait les appeler « grand’mère »,
si douces qu’on pourrait leur conter ses amours.

Et je vois cheminer les lourds adolescents
et les filles des champs, tendres et sensuelles,
qui cambrent en riant leur torse aux seins puissants
et n’ont pas de pudeur parce qu’elles sont belles.
Car l’àme villageoise est naïve et joyeuse
dans le repos serein des travaux naturels ;
le front est plus ridé, les mains sont plus calleuses,
mais l’œil ne s’assombrit qu’avec le bleu du ciel.

C’est pourquoi fatigué, las d’être endimanché,
je voudrais m’oublier dans les candeurs que j’aime,
moi qui saurais si bien me faire pardonner
mes gestes fatigués et mon visage blême :

Je voudrais me mêler aux noces campagnardes,
comme un vrai paysan avoir mes jours fériés ;