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souleva de grosses polémiques. Vers 1884, il commença son œuvre en prose par : Entre les lignes, recueil de nouvelles. Dès lors, romans et nouvelles se succèdent, année par année, chez divers éditeurs, après avoir para dans les journaux : Figaro, Gil Blas, Supplément du Petit Journal, Lanterne, Gaulois, Journal, Temps, etc. ; si bien que M. Montégut a publié jusqu’ici de trente à quarante volumes. Sa grande activité littéraire lui a valu sa nomination au grade de chevalier de la Légion d’honneur. Sa vie solitaire, sans autre histoire que celle de ses livres, qui n’ont pas toujours reçu l’accueil qu’ils méritaient, explique une telle production et justifie la belle devise qu’il s’est choisie : Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. [1]

Dans les vers de Montégut, écrivait dès 1882 Maxime Gaucher, il y a un talent très réel, de l’énergie et du souffle. M. Montégut possède la science du rythme. Il est constamment hanté du souci de la perfection.




LA FAIM


Lorsqu’au bord du chemin le laboureur s’arrête
En entendant sonner les cloches de midi,
Il frotte de ses mains son vieux dos engourdi,
Puis tire du bissac la nourriture prête.

C’est un morceau de pain qu’à l’avance il regrette.
Il le serre âprement sous son pouce arrondi
Et le coupe au couteau dans un geste raidi,
Car il mêle à sa joie une peine secrète.

Certes, il a grand’faim ; mais il connaît le prix
De ce pauvre repas si hâtivement pris,
Quels soins, quel temps il faut pour que le blé s’accroisse.

Il n’est jamais bien sûr du pain du lendemain ;
C’est pour cela qu’il mange avec un peu d’angoisse,
Que sa bouche est avide et que lente est sa main.


(Les Chevauchées de Joconde.)
  1. La Société des gens de lettres vient d’accomplir un acte de haute justice en décernant à M. Maurice Montégut le prix Balzac (décembre 1904).