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Le Figaro, du temps de Magnard, Le Matin, L’Écho de Paris, Le Soir. Mais tous ses « essais de poèmes », ses vers lyriques, telle sa Dame de Proue, semés de-ci, de-là, M. Gabriel Randon les considère comme des « bégaiements poétiques, dont les intentions « seules étaient bonnes ».

« M. Randon appartint quelque temps à l’administration de la Ville de Paris. Il connut alors Albert Samain, qui devint un de ses intimes. Il se lia aussi avec Dubus et Julien Leclercq, tous deux disparus. Enfin, il faut rappeler qu’il fut à Paris l’inventeur des Dictions poétiques, par une tentative sans lendemain à la Salle d’Harcourt, en 1892.

« L’époque a les poètes qu’elle mérite, » dit l’épigraphe des Doléances. Jehan Rictus débuta, en 1896, aux Quat’z-Arts, avec ses Soliloques du Pauvre, écrits dans cette langue faubourienne, si savoureuse, si triste, si gouailleuse, si éloquente et si pittoresque. « Mon désir, dit-il, ce fut d’émouvoir tous les hommes et d’appeler leur attention sur des colères et des douleurs — tellement réelles et tellement sincères ! — qu’on a l’habitude de mépriser[1]… »

L’œuvre de Jehan Rictus est certainement très haute ; elle est « un réquisitoire heureux contre l’iniquité des Forts et des Puissants, une leçon à l’usage d’une société soi-disant chrétienne, dont la conscience semble dormir en toute sécurité au milieu d’un bourbier. » (Georges Oudinot.)

Elle est profondément émouvante, parce qu’elle est vraie ; la douleur du poète est réelle ; elle nous gagne irrésistiblement. Ces poèmes de la misère, c’est la vie même des miséreux. Avec de pauvres loques de mots, débris innomables ramassés çà et là dans le ruisseau, Jehan Rictus fait — très simplement — de la Beauté.


[1]. A.-M. Gossez, Poètes du Nord (P. Ollendorff, Paris, 1902).