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platonisait déjà avec une élévation d’esprit et une pénétration incroyables dans un adolescent. Aussi ai-je justement dédié à sa mémoire mon livra sur la philosophie de Platon.

« Reçu dès l’âge de dix-sept ans licencié ès lettres, il se mit aussitôt à traduire le Manuel d’Épictète et fit précéder sa traduction d’une étude éloquente sur la philosophie stoïcienne. À dix-neuf ans. il fut couronné par l’Académie des sciences morales et politiques dans un concours exceptionnellement brillant, pour un mémoire sur la morale utilitaire depuis Épicure jusqu’à l’École anglaise contemporaine. L’année ; suivante, il était chargé d’un cours de philosophie au lycée Condoreet.

« Sa santé ébranlée le força presque aussitôt de renoncer à l’enseignement. Il passa dés lors l’hiver dans le Midi, la première année à Pau et à Biarritz, les autres années à Nice et à Menton. Mais sa santé s’affaiblissait insensiblement. En 1888, au moment du tremblement de terre qui désola la rivière méditerranéenne, Guyau fut obligé de coucher plusieurs nuits dans une maisonnette humide, qui nous servit alors d’abri. Il prit un refroidissement qui exerça sans doute une action fatale sur ses reins et ses poumons. Toujours est-il que le mal éclata bientôt avec violence, sous la forme d’une phtisie aiguë. Guvau s’éteignit à l’âge de trente-trois ans, le vendredi 31 mars 1888.

« Outre la traduction du Manuel d’Epictète et diverses éditions d’ouvrages classiques, notamment les opuscules philosophiques de Pascal, Guyau a publié la Morale d’Épicure et ses rapports avec les doctrines contemporaines, dont la première édition. parut en 1878, C’était le commencement du grand mémoire couronné pa r l’Institut. La suite parut en 1879 sous le titre de La Morale anglaise contemporaine. C’était une étude très approfondie des doctrines anglaises, par un esprit qui n’avait pas encore entièrement rompu avec la philosophie spiritualiste traditionnelle. Puis vinrent les Vers d’un Philosophe, dont la première édition parut en 1881, et les Problèmes de l’esthétique contemporaine (1884). En 1885 fut publiée l’œuvre hardie et originale qui devait marquer une date dans l’histoire des idées contemporaines : L’Esquisse d’une morale sans obligation, ni sanction. Ce livre excita l’admiration de Nietzsche, qui l’annota tout entier de sa main. Nietzsche couvrit de même d’annotations marginales le second chef-d’œuvre de Guyau, L’Irréligion de l’avenir, publié en 1887[1].

  1. « Sans nous en douter, Nietzsche, Guyau et moi, nous passions alors l’hiver en même temps sur la côte de Nice. Le philosophe allemand connut les livres de Guyau et lesbiens : Guvau et moi, nous n’eûmes aucune connaissance de Zarathoustra. Voir, dans notre livre sur Nietzsche et l’Immoralisme, les chapitres consacrés à la comparaison de Nietzsche et de. Guyau. A. F. »