Page:Walch - Poètes d’hier et d’aujourd’hui, 1916.djvu/420

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
406
ANTHOLOGIE DES POÈTES FRANÇAIS
DEVANT LE SPHINX

Le destin m’a conduit sur la route thébaine,
Malgré l’odeur de mort éparse dans le vent,
Sans un murmure, ô vierge au regard décevant,
J’ai suivi pas à pas le Destin qui me mène.

Tes yeux faux ont souri dans ta face inhumaine :
Voici mon corps que nulle égide ne défend ;
Mais si tu crois épouvanter mon cœur d’enfant,
Monstre aux ongles d’airain, ton espérance est vaine.

Mes os s’entasseront sur tes rudes sommets,
Qu’importe ! mon grand cœur ne faiblira jamais ;
Je ne tremblerai pas sous ta lâche morsure.

Ma misérable chair, tu peux la déchirer :
Mon cœur a revêtu comme une bonne armure
L’âpre orgueil de souffrir et de désespérer.

(Vers l’Oubli.)

LA VAINE MENACE

Le formidable éclat de ton glaive de feu
Ne saurait effrayer, désormais, vieil archange,
Nos cœurs désemparés et vautrés dans leur fange !
Nous avons oublié les promesses de Dieu.

Trop de souffrance, hélas ! a tué notre rêve ;
Qui de nous se souvient des gloires de l’Eden !
Pour défendre le seuil de l’antique jardin,
Notre misère est plus puissante que ton glaive.

Va, garde les fruits d’or entre tes mains sévères.
Au seul attouchement de nos lèvres arnères
La plus douce liqueur se changerait en fiel…

Nous avons tant vécu dans la nuit de l’abîme
Que nous marchons, heureux d’une lumière infime,
Sans regretter l’azur impossible du ciel.

(Les Festins de la Mort.)