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PAYSAGE

À Roger Frêne.

Laisse le paysage, au cadre des croisées,
se métamorphoser au gré de la saison,
et vis, dans la sérénité de la maison,
en harmonie avec ta joie et ta pensée.
 
Le verger solennel et paisible t'attend
pour te mieux révéler la gravité des choses,
et, quand t'énervera la noblesse des roses,
le soir t'apaisera de son recueillement.

Oh ! voici que les fruits sont gonflés et t'appellent !
Écoute circuler la sève des fruits mûrs
qui bat — moisson fervente et promise à l'azur —
jusque dans la maison comme un éploiement d'ailes.

Écoute : une rumeur va jusqu'à l'horizon,
Elle a l'odeur du ciel et l'odeur de la terre,
elle a tous les parfums, elle a tous les mystères,
elle est, à l'infini, le plus large frisson.

Écoute : elle est la Chose unique et maternelle
qui façonne les fruits à la courbe des nids,
elle est dans chaque germe, elle est dans chaque esprit,
obscure ou lumineuse, accueillante ou rebelle.

Tu la trouves en toi comme au vaste horizon,
et cela t'éblouit d'une ivresse inconnue
de sentir, dans ton âme et ta chair confondues,
vibrer le paysage et brûler la saison.

POÈME A UN AMI

Ce soir, ô mon ami, je gagne ma maison,
Fervent et douloureux d'avoir, à l'horizon,
Dispersé ma tendresse à l'infini des plaines.
Je rentre, le sentier est lent qui me ramène.
Les blés sont mûrs : au versant calme des plateaux
Un paysage herbeux de pâtures et d'eau