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— Fleur de clarté, légère écume des flots sourds,
Vain jouet, malgré tout nous t’aimerons toujours,
Et moi-même, oubliant l’Océan qui se lève,
J’irai voir frissonner ta blancheur sur la grève…

(Vers d’un Philosophe.)


GENITRIX HOMINUMQUE DEUMQUE



Lorsque j’étais enfant, je crus entendre en rêre
Ma mère me parler ; du moins c’étaient ses yeux,
Sa démarche, sa voix ; mais cette voix, plus brève.
Plus froide, avait perdu l’accent affectueux
Qui m’ allait jusqu’à l’âme : était-ce bien ma mère ?…
J’écoutais me parler cette voix étrangère,
Connue à mon oreille et nouvelle à mon cœur,
Et je me sentais pris d’une sorte d’horreur.
J’étais prêt à pleurer lorsque parut l’aurore :
Je m’éveillai ; ma mère était près de mon lit.
Mon œil chercha le sien, mais je doutais encore,
Et j’attendais qu’un mot de sa bouche sortît.
Enfin elle parla : son âme tout entière
Avec sa voix chantait. Je courus l’embrasser.

Dis-moi, Nature, ô toi notre éternelle mère,
Qui tour à tour nourris, sans jamais te lasser,
Les générations avides de. sucer
Ton sein toujours fécond, toi dont on croit entendre
Sur les monts, sur les mers, dans les prés ou les bois,
Douce ou rude à nos cœurs parler la grande voix,
Dis, n’as-tu rien pour nous d’affectueux, de tendre ?
Tu sembles une mère et n’en as point l’accent ;
Quand tu ris, on ne sait si c’est une caresse ;
On hésite, à te voir, et pour toi l’on ressent
Un respect étonné mélangé de tristesse.
Nul cœur ne bat-il donc dans ton immensité ?
N’est-ce point de l’amour que ta fécondité ?
Lorsque tes chœurs d’oiseaux chantent sous tes feuillages,
Lorsque la jeune aurore apparaît dans ton ciel,
Quand renaît plus riant le printemps immortel,
Quand l’Océan dompté vient lécher ses rivages,