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LES PAPILLONIDES DES ÎLES MALAISES.

que leur grande taille et leur vigueur, et de même les fortes canines que possède le mâle chez les singes frugivores. Ainsi encore, la beauté exceptionnelle du plumage de certains oiseaux mâles, et les ornements spéciaux qui les distinguent, peuvent s’expliquer par la supposition, confirmée d’ailleurs par beaucoup de faits, d’une préférence accordée par les femelles à ceux qui possèdent ces avantages ; de cette façon, de petites variations accidentelles de forme et de couleur, se sont accumulées jusqu’à produire la queue merveilleuse du paon, et le splendide plumage de l’oiseau de paradis. Ces deux causes ont sans doute agi plus ou moins chez les insectes, car, chez beaucoup d’espèces, le mâle seul possède des cornes et des mandibules puissantes, et plus fréquemment encore de riches couleurs et des reflets étincelants. Mais ici, les différences sexuelles sont dues aussi à une autre cause, savoir, l’adaptation spéciale de chacun des sexes à des mœurs ou à une manière de vivre distinctes. C’est ce qu’on voit bien chez les papillons femelles, qui, généralement faibles et lents au vol, ont souvent des couleurs propres à les cacher ; dans une espèce de l’Amérique méridionale (Papilio torquatus), les femelles, qui habitent les forêts, ressemblent au groupe Aeneas du genre Papilio qui abonde dans des localités semblables, tandis que les mâles qui fréquentent les bords des rivières, exposés au soleil, ont une coloration toute différente. Dans ces cas, par conséquent, la sélection naturelle parait avoir agi indépendamment de la sélection sexuelle, et tous peuvent être considérés comme