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PAR LA SÉLECTION NATURELLE.

le mieux conformés vivent, ceux qui le sont le moins bien meurent.

On dit quelquefois que nous n’avons aucune preuve directe de cette sélection dans la nature. Mais il me semble que nous en avons une plus universelle et par conséquent meilleure que ne le serait l’observation directe, c’est la nécessité même de la chose. En effet, puisque tous les animaux sauvages se multiplient suivant une progression géométrique, tandis que leur nombre réel reste stationnaire, il est clair qu’il en meurt annuellement autant qu’il en naît ; si donc nous nions la sélection naturelle, nous sommes forcés d’admettre que, dans un cas tel que nous l’avons supposé, les individus robustes, sains, rapides à la course, bien fourrés, bref bien organisés sous tous les rapports, ne possèdent aucun avantage, et qu’ils ne vivent pas en moyenne plus longtemps que ceux dont la conformation est moins bonne ; or c’est là une assertion que ne soutiendra jamais un homme sain d’esprit.

Mais ce n’est pas tout ; le rejeton ressemble en général à ses parents ; ainsi les survivants de chaque génération seront plus forts, plus rapides, mieux fourrés que les précédents, et si ce développement se continue pendant des milliers de générations, l’harmonie sera redevenue parfaite entre l’animal et les conditions nouvelles auxquelles il est soumis. Mais ce sera alors un autre animal. Non-seulement il sera plus rapide et plus fort, mais il aura probablement changé de forme et de couleur, acquis peut-être une plus longue queue, ou des oreilles d’une forme différente, car on a cons-