Page:Wallace - La sélection naturelle, essais, 1872.djvu/349

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
329
PAR LA SÉLECTION NATURELLE.

chain, la diminution des penchants querelleurs et destructeurs, la répression des appétits actuels et la prévoyance intelligente de l’avenir, toutes ces choses ont dû, dès leur apparition, produire un grand bien dans la communauté et devenir par là même les objets de la sélection naturelle. Car il est évident que ces qualités ont dû concourir au bien-être de l’homme, le protéger contre ses ennemis du dehors, contre les dissensions intestines, contre les intempéries des saisons ou la famine, bien plus efficacement qu’aucune modification purement physique. Les tribus chez lesquelles ces avantages moraux prédominaient, ont dû, dans la lutte pour l’existence, vaincre celles qui en étaient moins douées, maintenir et augmenter leur nombre, tandis que les autres diminuaient et finissaient par disparaître.

Quand aussi des changements dans la géographie physique d’un pays ou dans le climat forcent un animal à changer sa nourriture, son vêtement ou ses armes, il ne peut le faire que par des modifications correspondantes dans sa propre organisation. S’il s’agit de capturer des proies plus considérables, comme il arrive, par exemple, si, par suite de la diminution des antilopes, un carnassier est obligé de s’attaquer à des buffles, ce ne seront que les plus forts qui pourront persister, les mieux pourvus de dents et de griffes pourront seuls combattre et vaincre ces grands animaux ; la sélection naturelle commence immédiatement à agir, et par son action ces organes se trouvent peu à peu appropriés à leur tâche nouvelle. Mais l’homme, dans un cas semblable, n’a pas besoin d’accroissement dans sa force,