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Page:Waller - Lysiane de Lysias, 1885.djvu/134

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la première fois ils s’étaient dit ce que, depuis si longtemps, ils avaient caché au fond d’eux mêmes, comme une faute.

Ils marchaient tous deux en silence, les mains entrelacées et les lèvres entr’ouvertes, comme s’ils eussent voulu, avec l’air endormeur du soir, aspirer des souffles mystérieux de poésie et de tendresse. Il semblait que des voiles fussent répandus dans l’espace, comme des traînes de robes mystiques ; des souffles tièdes tournoyaient avec un murmure éloigné d’êtres qui s’endorment. Dans cette fin de jour, pareille au sommeil apaisé d’une nuit de caresses, il y avait une sorte de capiteuse vibration, d’harmonie aimante, une ivresse étouffée qui se balançait parmi les eaux glauques, les feuilles remuées et les souffles épars.

Jacques et Greta ne parlaient point, la tête bourdonnante, les bras tombés dans une lassitude amollie, énervés et saturés de ce calme ineffable.

Ils se laissaient aller sans volonté à cette physique et voluptueuse étreinte de la nature, et des images de couples enlacés dans la nuit les sollicitaient.

— Viens, dit Jacques, doucement, d’un accent musical comme un chuchottement de feuilles, viens, toi la bien-aimée de ma vie, nous nous aimerons sous les étoiles qui nous parlent et qui nous appellent, viens, Greta ! oh ! Gretchen, ma mienne, ma blonde Liebchen ! je serai ton époux et les montagnes mettront leur ombre sur nos fiançailles…

Il se grisait à ses propres paroles qu’il cherchait atténuées et plaintives, oubliant ses railleries, sa raison, se livrant tout entier à cette montante ivresse d’amour.