Page:Walras - Introduction à l'étude de la question sociale.djvu/17

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les faits sociaux, on aura fait la philosophie des sciences sociales. Je n’ai tenté de le faire ici qu’à l’égard des faits économiques. On dira si j’ai pu y réussir en quelques points.

Fausses ou vraies, mes conclusions sont simples et claires. J’ai reconnu d’abord et mis à part une théorie de la richesse sociale, science naturelle. Ensuite j’ai distingué dans l’ensemble de la science sociale et de l’art social, dans la théorie générale et complète de la société, comme catégories économiques, comme catégories se rapportant aux biens, pour me servir du terme consacré par le Code civil : 1° une théorie de la propriété, science morale à soumettre à la loi rationnelle de la société pour en faire sortir la théorie sociale de la distribution de la richesse ; 2° une théorie de la production de la richesse ou ensemble des règles du travail social.

Qu’il nous suffise pour l’instant d’avoir ainsi tracé très sommairement le programme complet de la théorie de la société considérée dans ce qu’elle a de plus abstrait et de plus ardu, d’avoir seulement indiqué avec un peu plus de précision le programme de la portion purement économique de cette théorie. Tel qu’il est, ce programme doit paraître assez vaste. Je dis plus : je sais qu’il est immense. Est-ce une raison qui autorise ou qui commande l’abstention ? Je suis bien éloigné de le croire. Aborder résolument une tâche longue et difficile, après qu’on l’a d’abord froidement mesurée, ce n’est pas de la témérité. Reculer devant un pareil labeur, ce serait tout autre chose que de la modestie.

Quoi qu’il en soit, je ne suis point effrayé. Mais toutefois je n’ai pas résolu de prendre dès à présent ma part d’efforts et de recherches dans la constitution de la science sociale. Je veux seulement me préparer à ce travail en me rendant compte de la valeur des essais qui ont été jusqu’ici tentés par les publicistes. Nous trouverons d’un côté les socialistes : ce sont des hommes que de nobles aspirations démocratiques ont conduit sur le terrain des recherches sociales, qu’un vif instinct révolutionnaire y a guidés. Mais l’enthousiasme ne supplée point la méthode, ni le sentiment la raison. Les efforts des socialistes ont été trahis en partie par leur insuffisance et leur inexpérience scientifiques. Disons tout de suite qu’il y aurait injustice à ne pas reconnaître chez eux, en même temps que beaucoup de présomption, la plus évidente sincérité. D’un autre