Page:Walras - Introduction à l'étude de la question sociale.djvu/19

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Blanc, d’après le titre même des chapitres de son ouvrage. Je n’ai point agi de la sorte sans raison. Ayant en effet beaucoup moins l’intention de discuter les idées de M. Louis Blanc que de critiquer sa méthode, je tenais essentiellement à lui laisser résumer, pour ainsi dire, à lui-même l’exposition de sa doctrine.

Il m’avait toujours semblé que, dans la voie des réformes, on devait procéder de la façon suivante : 1° constater les inconvénients de la pratique actuelle ; 2° chercher la source des inconvénients de la pratique dans les vices de la théorie ; 3° substituer à la théorie défectueuse une théorie plus complète et préférable ; 4° conclure de la théorie nouvelle à une pratique différente et meilleure. M. Louis Blanc se comporte tout autrement : il conclut immédiatement des inconvénients de la pratique actuelle à l’excellence d’une pratique opposée, des inconvénients de la concurrence à l’excellence du monopole. Cette façon de procéder n’est pas nouvelle. Cette façon de proposer hardiment des réformes sans prendre la peine de les étayer d’aucune considération théorique est connue. Cette méthode porte un nom : c’est la méthode empirique. M. Louis Blanc nierait ce que j’avance, qu’il me serait facile de prouver mon assertion ; et quiconque voudra prendre la peine d’examiner sa doctrine à ce point de vue particulier sera de mon avis, et se convaincra que le système des ateliers sociaux et de la Banque d’État manque absolument de base scientifique. En cela M. Louis Blanc est d’autant plus inexcusable que, s’il a toujours évité de discuter ses théories, il ne s’est pas fait faute de les énoncer. On connaît à ce sujet les idées de l’auteur :

« Trois grands principes se partagent le monde et l’histoire : l’autorité, l’individualisme, la fraternité…

L’autorité a été maniée par le catholicisme avec un éclat qui étonne ; elle a prévalu jusqu’à Luther.

L’individualisme, inauguré par Luther, s’est développé avec une force irrésistible ; et, dégagé de l’élément religieux, il a triomphé en France par les publicistes de la Constituante. Il régit le présent ; il est l’âme des choses.

La fraternité, annoncée par les penseurs de la Montagne, disparut alors dans une tempête, et ne nous apparaît aujourd’hui encore que dans les lointains de l’idéal ; mais