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s’ajoute au profit du capital d’entreprise ou au salaire du travail de l’entrepreneur.

Le système de la liberté du travail ou de la libre concurrence, est celui qui consiste à n’apporter aucune entrave soit à la demande qui se fait en vue de la consommation, soit à l’offre qui se fait par suite de la production. La liberté de la production surtout a toujours été chaudement réclamée par les adhérents à ce système dont la formule, célèbre dans l’histoire de l’économie politique, est celle-ci : — Laissez faire, laissez passer ; ce qui veut dire : — laissez produire et laissez échanger.

La formule du laissez-faire et du laissez-passer n’est point nouvelle. Nous la tenons des physiocrates. Le principe de la liberté du travail fut proclamé solennellement en même temps qu’appliqué par Turgot dans l’édit de 1776. Ainsi l’on peut dire que le système de la liberté de la production est né avec l’économie politique.

On peut dire aussi que la libre concurrence et la science économique ont grandi côte à côte. Aujourd’hui, dans la pratique, nous nous acheminons vers la liberté de plus en plus absolue du marché ; et cette marche nous est tracée par les économistes, fidèles, en cela du moins, aux premières inspirations des physiocrates. Cette tendance est caractéristique de l’école.Tous les économistes en renom combattent sans relâche, en tout et partout, les monopoles, les privilèges et les prohibitions. Liberté est leur devise. Il en est quelques-uns qui se défendent de vouloir étendre leur principe à la morale, à la politique, à la religion ; mais tous le soutiennent en matière de production, et tous revendiquent avec orgueil la qualification d’école libérale que certains démocrates leur rejettent avec colère ou avec mépris, que d’autres, il faut le dire, prétendent leur contester.

« Si l’école du laisser faire et du laisser passer, dit M. Vacherot, aboutit à la consécration de tous les privilèges et de toutes les servitudes économiques, n’est-elle pas convaincue d’être aussi contraire à la liberté qu’à la justice ? Les intentions de cette école sont excellentes : elle veut la liberté, la dignité, le bonheur de tous, et se flatte toujours que la libre concurrence amènera cet âge d’or. Mais, en attendant, ses adversaires lui font le reproche de se résigner trop facilement à la misère, à la dégradation, à la servitude actuelle des classes