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et du principe de la division du travail. Reste à déduire les règles particulières de ce principe général :—Qu’il faut que les hommes en société, se divisant le travail, poursuivent une production de richesse abondante et proportionnée.

Quant à ce qui est de la première condition, celle de l’abondance, il est certain que les faits de la société et de la division du travail n’en compliquent nullement l’exécution. Car pour remplir cette condition, il n’y a qu’à s’en rapporter, à l’état social avancé comme à l’état censé naturel et primitif, à l’intérêt privé des hommes qui leur commande de travailler d’autant plus qu’ils veulent jouir davantage ; et il suffit seulement que la société, en imposant à chacun la division du travail, lui assure, par l’équité des lois de la propriété et de la distribution, l’entier bénéfice des résultats de sa peine. Par où l’on voit comment la justice vient à l’appui du bien-être.

Passons à la seconde condition, celle de la proportion dans la production. Celle-là semble surtout d’intérêt général, et l’exécution en paraît plus difficile à poursuivre avec la seule ressource de l’intérêt individuel.

Il s’agit d’arriver à ce but que tel ou tel objet de consommation venant relativement à manquer, tandis que tel ou tel autre abonde relativement, la production se détourne de celui-ci pour se porter sur celui-là. La première idée et la plus simple, mais, il faut le dire, la plus superficielle en même temps que la plus facile, c’est de faire intervenir l’autorité. Les souliers abondent, le pain manque. Vite ! un édit pour enrôler des boulangers, en les allant chercher parmi les cordonniers. Cette pratique qui répond à la théorie des politiques à courte vue et des réformateurs ignorants de notre temps fut celle de notre société à son bas âge. L’expérience l’a condamnée en démontrant que l’autorité était incapable non-seulement de prévoir, mais de terminer même, quand elles se produisaient, les crises de la production.

À défaut de l’autorité, nous adresserons-nous à la fraternité ? Cène serait guère que tomber de Charybde en Scylla ; car c’est en de pareilles circonstances que le socialisme fraternitaire aime à produire, comme un deus ex machina, quelque dictateur, quelque père suprême, ou quelque pontife.

Récusant l’autorité sous toutes ses formes, invoquerons nous la liberté politique ? L’expérience qui a condamné l’inter -