Page:Walras - Introduction à l'étude de la question sociale.djvu/39

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« Un ouvrier cherche un entrepreneur : trois se présentent. —Combien pour mon travail ?—Deux francs : je désire abaisser mes prix de revient et de vente, et grossir le profit de mon capital.—Bien. Et vous ?—Deux francs et demi : les produits sont demandés par les consommateurs ; en abaissant mes prix de vente et en vendant beaucoup, je trouverai encore moyen de réaliser de beaux bénéfices.—À merveille. Et vous ?—Trois francs : j’abaisserai mes prix de vente, je vendrai beaucoup, et je me contenterai d’un moindre profit de mon capital.—À vous donc la préférence, etc., etc. »

Interrogez la réalité. Vous apprendrez qu’en effet, par l’application du principe de la concurrence, les prix de vente baissent à l’avantage de tous les consommateurs, travailleurs et autres, le chiffre des affaires s’élève, et le profit des capitaux se réduit. C’est l’intérêt privé qui pousse les entrepreneurs à diminuer les salaires ; c’est l’intérêt privé qui pousse les ouvriers à les faire augmenter. C’est la concurrence des ouvriers qui soutient les entrepreneurs ; c’est la concurrence des entrepreneurs qui protège les ouvriers. La concurrence fait l’équilibre. Et pour troubler cet équilibre dans le sens accusé par M. Louis Blanc, que faudrait-il ? Une coalition d’entrepreneurs que la loi peut réprimer ou qu’elle peut rendre inoffensive en ne défendant pas les coalitions d’ouvriers.

« Dira-t-on que ces tristes résultats sont exagérés ; qu’ils ne sont possibles, dans tous les cas, que lorsque l’emploi ne suffit pas aux bras qui veulent être employés ? Je demanderai, à mon tour, si la concurrence porte par aventure en elle même de quoi empêcher cette disproportion homicide ? »

Demandez, et l’on vous répondra que non-seulement la concurrence porte en elle-même de quoi prévenir les crises dont vous parlez, mais qu’il n’y a même que le seul système de la liberté du travail et de la production qui puisse empêcher cette disproportion homicide, et cela non par aventure, mais par nécessité de nature et de logique.

Si telle industrie manque de bras, qui m’assure que, dans cette immense confusion créée par une compétition universelle, telle autre n’en regorgera pas ? »

Qui vous en assure ? L’harmonie tout à la fois fatale et providentielle des lois naturelles, et la certitude des principes et, des déductions, si vous vouliez bien consentir à les exa -