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Le travail est le vrai fondement du droit de propriété.— Soit ! L’idée que M. Thiers s’efforce ainsi d’exprimer est aussi la mienne. J’admets donc ce principe, sauf à protester encore une fois contre la démonstration matérialiste, par le besoin, qu’en a donnée l’auteur, sauf à faire encore une observation très-importante.

Le droit de propriété est un ; mais l’exercice de ce droit est complexe. La propriété est individuelle ou collective. D’où vient donc qu’il n’y a pas non plus, chez M. Thiers, la moindre trace de cette distinction ?

M. Thiers ne connaît absolument et uniquement qu’une forme de la propriété, la propriété individuelle. M. Thiers qui voit et qui conçoit les lapins propriétaires ne voit pas, ne conçoit pas les communautés propriétaires. N’est-ce point une lacune énorme et impardonnable ? car enfin, en fait et endroit, la propriété, collective existe. En fait, certaines congrégations, les hospices, un grand nombre de communes, des sociétés industrielles, l’État lui-même sont propriétaires. En droit, ils le peuvent être parfaitement : car il est aussi vrai que les congrégations, les hospices, les communes, les sociétés industrielles, l’État sont des personnes morales qu’il est vrai que les lapins n’en sont pas.

Où cela nous mène-t-il ? Je supplie le Comité central de l’Association pour la Défense du Travail national, si tant est que cette honorable association existe encore, de vouloir bien y réfléchir très sérieusement. Étant admise la famille, il faut la doter. Étant admis l’État, il lui faut un revenu, une fortune. Sous le régime féodal, constitué sur le modèle de la famille, le chef de l’État était propriétaire de la fortune de l’État : c’était encore la propriété individuelle, c’en était au moins la forme. De nos jours, le régime féodal étant proscrit, le droit de propriété de l’État ne peut pas être autre chose qu’un droit de propriété collective. Il faut alors de deux choses l’une : affirmer l’État ou le nier ; doter l’État ou le ruiner. Dans le premier cas, la propriété individuelle étant garantie, il faut immédiatement faire la part de la propriété collective. Dans le second cas, si l’on veut anéantir l’État et le dépouiller, il faut faire ce que fait M. Thiers.

M. Thiers constitue la propriété individuelle ; il se donne garde de souffler mot de la propriété collective. Il enfle sa voix