Page:Walras - L’Économie politique et la justice.djvu/218

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à payer que le service du sol, le concours de la terre dont théoriquement et pratiquement, à priori et à posteriori, elle est le prix. Il s’ensuit donc que la rente foncière appartient au propriétaire foncier.

Il ne vient pas à l’esprit du sauvage, quand il a tué un daim et qu’il se dispose à le manger avec sa famille, de faire deux parts de sa chasse et de dire : Ceci est ma rente, ceci est mon salaire.

Le sauvage n’est pas un économiste, il n’est pas un membre de l’Académie des sciences morales et politiques. On ne peut donc pas raisonnablement exiger qu’il lui vienne à l’esprit de faire l’analyse dont parle M. Proudhon. Mais le sauvage le plus sauvage ne doute point qu’il n’y ait pour lui, comme pour tout le monde, un grand avantage à chasser le daim dans des forêts giboyeuses plutôt que sur des montagnes arides. Il sait à merveille que si son activité personnelle et son adresse sont pour quelque chose dans le résultat de sa chasse, il doit cependant attribuer une partie de son succès à la munificence de la nature qui nourrit dans les forêts les daims dont il se nourrit lui-même ainsi que sa famille. Il sait encore qu’il n’y a point des forêts partout, ni des daims pour tout le monde en quantité illimitée, et qu’il est plus favorisé que d’autres. Et le plus sauvage des sauvages sent tout cela si vivement, et le comprend si nettement, qu’il n’est aucunement désireux de voir des étrangers venir chasser sur les territoires qui forment son domaine ou le domaine de sa tribu, et qu’il applique ses soins à se réserver la jouis -