Page:Walras - L’Économie politique et la justice.djvu/53

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vie, ne jouissent pas de moyens égaux de développement et d’action. À mesure que le principe de l’égalité des conditions s’inscrit peu à peu dans la loi, on voit effectivement diminuer l’inégalité des positions. Cela n’empêche pas que cette inégalité ne soit inévitable, favorable au maintien de la société et que le philosophe n’en doive tenir compte.

Autre remarque purement historique. M. Proudhon oppose le système de l’égalité absolue au système de l’inégalité absolue, et, sans restrictions, fait responsables du premier la Révolution, du second l’Église. Cette double assertion n’est-point exacte.

Le système de l’inégalité absolue est moins le système de l’Église que celui de la société féodale. Au christianisme appartiendra toujours l’honneur d’avoir proclamé hautement le principe d’égalité. En disant les hommes frères, l’Évangile les disait égaux : car la fraternité n’est que l’expression orientale et figurée de l’égalité, deux frères étant ce qu’il y a de plus égal au monde. Que, plus tard, obligé de s’implanter dans un sol ensemencé, de s’organiser en société civile et politique, le christianisme ait repoussé les instincts si profondément justes de son début pour subir les iniquités de la féodalité, qu’il soit devenu le catholicisme, je ne puis ni ne veux songer à le dissimuler ; son excuse, c’est qu’il ne pouvait faire autrement. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas à l’Église, ce n’est pas au catholicisme, ce n’est pas surtout au christianisme qu’il faut reprocher d’avoir méconnu l’égalité des personnes : c’est à la