Page:Walras - Théorie mathématique de la richesse sociale.djvu/58

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’économie politique ; seulement, au lieu de les mettre en concurrence et en contradiction l’une avec l’autre en vue de la détermination des prix, je leur aurai fait leur part à chacune en fondant sur la première la détermination des prix des produits et sur la seconde la détermination des prix des services producteurs. Il est certain, comme les économistes l’ont reconnu, et comme, on voudra bien le croire, cela ne m’a pas échappé non plus complètement à moi-même, qu’à un certain état normal et idéal, le prix de vente des marchandises est égal à leur prix de revient. À cet état, qui est l’état d’équilibre de l’échange et de la production, une bouteille de vin qui se vend 5 fr. a coûté à produire 2 fr. de fermages, 2 fr. de salaires et 1 fr. d’intérêts. Reste à savoir si c’est parce qu’on a payé 2 fr. de fermages, 92. fr. de salaires et 1 fr. d’intérêts que cette bouteille de vin se vend 5 fr., ou si ce ne serait pas plutôt parce que cette bouteille de vin se vend 5 fr. qu’on paie 2 fr. de fermages, 2 fr. de salaires et 1 fr. d’intérêts. Reste à savoir, en un mot, si c’est, comme on le dit, le prix des services producteurs qui détermine le prix des produits, ou si ce ne serait pas plutôt le prix des produits, déterminé, comme nous l’avons vu, en vertu de la loi de l’offre et de la demande, qui détermine le prix des services producteurs en vertu de la loi des frais de production ou du prix de revient. C’est ce que nous allons examiner.

Les services producteurs sont au nombre de trois. Lorsqu’ils en font l’énumération, les auteurs disent le plus souvent : la terre, le travail et le capital. Mais ces énonciations ne sont pas assez rigoureuses pour servir de base à des déductions rationnelles. Le travail est le service des facultés personnelles ou des personnes ; il faut donc ranger à côté de lui non la terre et le capital, mais le service des terres sous le nom de rente et le service des capitaux sous le nom de profit. Comme je prends ces termes dans une acception non pas précisément autre, mais un peu plus limitée qu’on ne le fait d’ordinaire, je dois insister. J’appelle, comme le fait mon père dans sa Théorie de la richesse sociale, capital en général toute espèce de la richesse sociale qui ne se consomme point ou qui ne se consomme qu’à la longue, toute utilité limitée en quantité qui survit au premier usage qu’on en fait, en un mot qui sert plus d’une fois : une maison, un meuble ; et j’appelle revenu toute espèce de la richesse sociale qui se consomme immédiatement, toute chose rare qui ne subsiste plus après le premier service qu’elle rend, bref, qui ne sert qu’une fois : du pain, de la viande. Les matières premières de l’agriculture et de l’industrie : semences, matières textiles, etc., sont, en tant que matières premières, des revenus et non des capitaux ; au con-