Page:Walter - Voyage autour du monde fait dans les années 1740, 1, 2, 3, 4, 1749.djvu/221

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

main, dès qu’il fit jour, nous recommençames notre ouvrage de charger nos Chaloupes et de les envoyer à bord.

Nous eumes lieu de nous appercevoir que lesordres que Mr. Anson avoit donnés, pour la prise du Gouverneur, avoient été très sages, et que c’étoit un grand malheur pour nous qu’ils n’eussent pas pu être exécutés. Nous trouvames des Magazins, remplis de marchandises de prix, qui nous étoient tout-à-fait inutiles, parce que nous n’avions pas de place dans nos Vaisseaux pour les loger. Si nous avions tenu le Gouverneur, il eût probablement traité avec nous du rachat de ces effets et de la Ville, et c’eût été un grand avantage de part et d’autre. Mais il se trouvoit en liberté ; il avoit ramassé toutes les Forces du Païs, à plusîeurs lieues à la ronde ; il lui en étoit même venu de Piura, éloigné de quatorze lieues, et il étoit si charmé de se voir Général, qu’il ne s’embarassoit guère du sort de sa Place. Quoique Mr. Anson lui fit faire plusieurs messages, par les Habitans que nous avions pris, et qu’il l’invitât à traiter de ce rachat, dont il lui insinuoit qu’il lui feroit bon marché, et qu’il se contenteroit de quelque Bétail et autres rafraichissemens,, assurant en même tems qu’à son refus, il feroit mettre la Ville en feu ; malgré toutes ces avances, Mr. le Gouverneur fut si fier qu’il ne daigna pas même y faire la moindre réponse.

Le second jour que nous fumes en possession de la Ville, plusieurs Esclaves Nègres désertèrent du Corps d’Espagnols, qui étoit sur la hauteur, et vinrent se rendre à nous : l’un d’eux fut reconnu par un des Prisonniers, que nous avions à bord, qui l’avoit vu à Panama. D’un autre côté, les Espagnols qui étoient sur la hauteur, souffroient une extrême disette d’eau, et plusieurs de leurs Esclaves se glissoient adroitement dans les maisons de la Ville, et enlevoient des Jarres d’eau, qu’ils portoient à leurs Maitres ; et quoique nos Gens en attrapassent quelques-uns, la soif étoit si prenante dans leur Camp, qu’ils continuèrent ce manège pendant tout le tems que nous restames maitres de la Place. Ce même jour, nous apprimes des Déserteurs et des Prisonniers que nous fimes, que les Espagnols dont le nombre étoit fort augmenté, étoient résolus d’attaquer la Ville et le Fort, la nuit suivante, et qu’un certain Gordon, Ecossois Catholique, et Capitaine de Vaisseau dans ces Mers, devoit avoir la direction de cette attaque. Malgré ces avis, nous continuames notre ouvrage sans inquiétude jusqu’au soir, que le Commandeur envoya encore du renfort à terre. Mr. Brett doubla les Gardes à chaque barricade, joignit