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Page:Walter - Voyage autour du monde fait dans les années 1740, 1, 2, 3, 4, 1749.djvu/314

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ser que notre Voyage serait trois fois plus long, que nous ne l’avions cru au commencement ; et par conséquent nous ne pouvions nous attendre qu’à mourir du Scorbut, ou à périr avec notre Vaisseau, faute de monde роur le gouverner. Il y avoit, à la vérité, parmi nous quelques personnes, qui aimoient à croire, que dans ce Climat chaud, si différent de celui, où nous nous étions trouvés en doublant le Cap Horn, cette maladie perdroit beaucoup de sa force ; à cause qu’on suppose ordinairement, que dans ce passage la malignité du Scorbut vient principalement de la rigueur du tems. Mais la violence de ce mal, dans notre situation présente, nous convainquit bientôt de la fausseté de cette supposition, aussi-bien que de celle de plusieurs autres opinions reçues au sujet de la cause et de la nature de cette cruelle maladie.

C’est un sentiment généralement admis, que de l’eau douce, à suffisance, et toute sorte de provisions fraiches, sont un puissant préservatif contre cette maladie ; mais nous avions de ces sortes de provisions à bord en abondance, tels que Cochons, Volaille, etc. dont nous nous étions pourvus à Paita : outre cela nous prenions tous les jours une grande quantité de Bonites, de Dauphins et d’Albicores ; et le tems variable, qui nous privoit des vents alisés, étoit extrêmement pluvieux ; desorte que dès que quelques-unes de nos Futailles étoient vuides, il ne tenoit qu’à nous de les remplir ; et chaque homme eut cinq pintes d’eau par jour durant la Traversée. Mais malgré cette abondance d’eau, et le Poisson frais, aussi bien que d’autres Mêts non salés, qu’on fournissoit aux Equipages, les Malades ne s’en portèrent pas mieux pour cela. Nous ne nous vimes pas seulement trompés à ces égards ; nous avions pris encore une autre précaution, qui étoit de bien nétoyer nos Vaisseaux, et de tenir les Ecoutilles et les Sabords ouverts, pour faciliter le passage de l’air. Cette précaution est seule capable suivant bien des Gens, d’empêcher le Scorbut de se manifester, ou du moins d’en diminuer considérablement les effets ; cependant nous remarquames vers la fin de notre Traversée, que, quelque peine qu’on eût prise pour tenir nos Vaisseaux nets, et pour y laisser entrer de l’air frais, la maladie avoit continué à attaquer nos Equipages, et n’avoit presque rien perdu de sa malignité.

Qu’on ne s’imagine point que je veuille soutenir, que de la Viande fraiche, abondance d’eau, et une circulation continuelle d’air frais entre les ponts, soient des choses peu importantes : je suis très convaincu au contraire, qu’elles peuvent beaucoup contribuer à la santé ou au rétablis-