Page:Walter - Voyage autour du monde fait dans les années 1740, 1, 2, 3, 4, 1749.djvu/326

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qu’il nous en dit, surpassa même nos souhaits ; car il nous apprit, qu’elle étoit inhabitée, ce qui, dans notre situation présente étoit un grand bonheur. Il ajouta, qu’on y trouvoit dans la plus grande quantité tous les vivres qu’il y a dans les Païs les mieux cultivés ; que l’eau у étoit excellente & en abondance, et l’île même peuplée de toute sorte de Betail d’un goût exquis ; que les Bois produisoient des Oranges, des Limons, des Citrons, et des Noix de Coco tant qu’on en voulait, sans compter un fruit que Dampier appelle fruit à pain, que les Espagnols profitoient de la fertilité de cette Ile pour nourrir la Garnison de Guam ; que lui-même étoit un Sergent de cette Garnison, qu’on avoit envoyé avec vingt et deux Indiens pour tuer des Bœufs, qu’il devoit charger dans une petite Barque d’environ quinze tonneaux, qui étoit à l’ancre tout près de la Côte.

Ce détail nous causa la plus sensible joie. Comme nous étions alors à une très médiocre distance de terre, nous voyions ça et là paître de nombreux Troupeaux ; ainsi pour cette partie de son narré, nous n’avions qu’à nous en rapporter à nos propres yeux : le reste nous étoit en quelque manière confirmé par la beauté du Païs, qui n’avoit rien de sauvage, et où les arbres paroissoient plantés à dessein sur le penchant des Cotaux. Ce coup d’œil, après ce que nous venions d’entendre, noos donna lieu d’espérer que cette Ile non seulement fourniroit à nos befoins, et rendroit la santé à nos Malades, mais que nous pourrions aussi y goûter la douceur du repos, et quelques agrémens, après tant d’inquiétudes et de travaux. C’est ainsi que par des accidens, que nous avions regardés comme un grand malheur, nous obtinmes, malgré nous, tout ce que nous aurions pu souhaiter de plus favorable : car si les vents contraires et les Соurans ne nous avoient point portés au Nord, et détournés de notre cours, ce qui nous faisoit alors une cruelle peine, nous aurions probablement manqué cette charmante Ile, qui seule pourvut abondamment à tous nos besoins, fit recouvrer la santé à nos Malades, et remit notre Equipage affoibli en état de braver de nouveau les dangers d’une longue navigation, et d’en soutenir les travaux.

Le Sergent Espagnol, qui nous avoit donné ce détail de l’Ile, nous ayant appris, que quelques-uns des Indiens, qui étoient sous ses ordres, étoient occupés à tuer des Bœufs, et qu’il y avoit un Bâtiment prêt pour les embarquer ; cette dernière particularité nous fit sentir de quelle importance il étoit pour nous d’empêcher les Indiens de se sauver, puis-