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Page:Walter - Voyage autour du monde fait dans les années 1740, 1, 2, 3, 4, 1749.djvu/328

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n’en perdimes pas plus de dix durant le séjour de deux mois entier que nous y fimes ; et en général, les fruits de l’Ile, particulièrement ceux qui ont le goût aigrelet, firent tant de bien à nos Malades, qu’au bout d’une semaine il y en avoit bien peu qui ne fussent rétablis au point de pouvoir marcher sans aide. Mais avant de continuer le récit de nos avantures, je crois devoir interrompre ici le fil de ma narration pour donner à ceux, qui pourront se trouver à l’avenir dans ces parages, quelque idée de la situation, du terroir, des productions, et des agrémens de l’Ile de Tinian.

Cette Ile gît à 15 degrés, 8 minutes de Latitude Septentrionale, et à la Longitude de 114 degrés, 50 minutes à l’Ouest d’Acapulco. Sa longueur est d’environ douze milles, et sa largeur va à peu près à là moitié. Elle s’étend du S. S. O. au N. N. E. Le terrain est par-tout sec, et tant soit peu sablonneux, ce qui, en diminuant l’extrême fécondité du terroir, est cause que le gazon des Prés et des Bois est plus fin et plus uni, qu’on ne le trouve ordinairement dans des Climats chauds. Le Païs s’élève insensiblement depuis le rivage, où nous allions faire de l’eau, jusqu’au milieu de l’Ile, de telle sorte pourtant qu’avant que d’arriver à la plus grande élévation, on trouve plusieurs Clairières en pente douce, couvertes d’un trèfle très fin, entremêlé de différentes sortes de fleurs et bordées de Bois de beaux et grands arbres, dont plusieurs portent d’excellens fruits. Le terrain des Plaines est uni, et celui des Bois n’a presque point de brossaille. Les Bois sont terminés aussi nettement dans les endroits, où ils touchent aux Plaines, que si la disposition des arbres avoit été l’ouvrage de l’Art. Ce mélange de Bois et de Plaines, joint à la variété des Hauteurs et des Valons, nous fournissoient une grande quantité de vues charmantes. Les heureux Animaux, qui, durant la plus grande partie de l’année, sont les seuls Maîtres de ce beau Païs, contribuoient aussi à y donner un air enchanté. On voit quelquefois des milliers de Bœufs paître ensemble dans une grande Prairie, et ce spectacle est d’autant plus remarquable, que tous ces Animaux sont d’un beau blanc, à l’exception des oreilles, qu’ils ont ordinairement noires. Et quoique l’Ile soit sans Habitans, les cris continuels et la vue de la Volaille qui couroit en grand nombre dans les Bois, excitoient à tout moment en nous des idées de Hameaux et de Villages, et contribuoient beaucoup à embellir ce séjour. Le nombre des Bœufs, dont cette Ile étoit peuplée, nous parut monter au moins à dix mille ; et comme ils