Page:Walter - Voyage autour du monde fait dans les années 1740, 1, 2, 3, 4, 1749.djvu/330

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vale que ronde. Il a une écorce épaisse et forte, et environ sept ou huit pouces de longueur. Chaque fruit croit séparément, et jamais en grape. On ne le mange que quand il a toute sa taille, mais qu’il est verd encore ; en cet état il ne ressemble pas mal à un cul d’Artichaud, tant en goût qu’en substance. Quand il devient tout-à-fait mûr, il est mou et jaune, et aquiert un goût doucereux et une odeur agréable, qui tient un peu de celle d’une Pêche mure ; mais on prétend qu’alors il est mal sain, et qu’il cause la dyssenterie. Dans la vue ci-jointe de l’Aiguade, est représenté en (c) un des arbres qui portent ce fruit. Outre les fruits, dont nous аvons fait mention, nous trouvames dans l’Ile de Tinian plusieurs Végétaux excellens contre le Scorbut, comme des Melons d’eau, de la Dent de Lion, de la Menthe, du Pourpier, du Cochléaria, et de l’Oseille, que nous dévorames avec cette avidité, que la Nature ne manque jamais d’exciter pour ces puissans remèdes en ceux qui sont attaqués du Scorbut. Il paroit par ce qui a été dit, que la vie, que nous menions dans cette Ile, ne pouvoit qu’être très agréable, quoique je n’aye pas encore fait mention de toutes ses productions. Nous jugeames devoir absolument nous abstenir de Poisson, à cause que ceux de nos Gens qui en avoient mangé, immédiatement après notre arrivée, s’en étoient trouvés un peu incommodés ; mais nous étions suffisamment dédommagés de cette espèce d’abstinence par tant de différentes sortes d’Animaux dont j’ai fait l’enumération. Outre la Volaille, nous trouvames au milieu de l’Ile deux grands Lacs d’eau douce, remplis de Canards, de Sarcelles et de Corlieux : sans compter les Pluviers sifflans, qui y étoient en quantité.

On sera apparemment surpris, qu’un séjour, si richement pourvu de tout ce qui peut contribuer à l’entretien de la vie, et d’ailleurs si charmant, fût entièrement inhabité, sur-tout étant peu éloigné de quelques autres Iles, qui doivent en tirer une partie de leur subsistance. La réponse à cette difficulté est, qu’il n’y a pas cinquante ans que cette Ile étoit encore peuplée. Les Indiens, que nous avions pris, nous assurèrent, que les trois Iles, de Tinian, de Rota et de Guam, fourmilloient autrefois d’Habitans et que Tinian seul contenoit trente mille ames : mais une Maladie épidemique ayant emporté bien du monde dans ces Iles, les Espagnols ordonnèrent à tous les Habitans de Tinian de venir s’établir dans Guam, pour y remplacer les morts. Il fallut obéir ; mais la plupart tombèrent dans un état de langueur, et moururent bientôt de chagrin d’avoir