Page:Walter - Voyage autour du monde fait dans les années 1740, 1, 2, 3, 4, 1749.djvu/343

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vorable, qu’ils pussent espérer, auroit été d’être détenus Prisonniers le reste de leur vie : car à juger de la conduite du Gouverneur de Guam, par celle que les Espagnols tiennent ordinairement dans ces Contrées lointaines, il les auroit probablement condamnés à une mort honteuse, comme Pirates, leurs commissions se trouvant à bord du Centurion.

Quoique ces cruelles idées fissent certainement impression sur Mr. Anson, il ne laissa pas de conserver son air ferme et tranquille. Ses prémières réflexions avoient roulé sur les moyens de se tirer avec son monde de la situation desespérée où ils se trouvoient. Il communiqua le plan qu’il s’étoit formé à cet égard, à ceux de ses Gens, qui lui paroissoient les plus intelligens, et s’étant convaincu par les conversations qu’il eut avec eux, que la chose étoit praticable, il tâcha d’animer son monde à mettre la main à l’œuvre promtement et avec vigueur. Dans cette vue il leur représenta, qu’il n’y avoit aucune apparence que le Centurion eût péri ; qu’il auroit eu assez bonne opinion de leur habileté en fait de Marine, pour ne pas croire qu’ils se fussent laissés aller à une frayeur aussi chimérique ; que s’ils considéroient avec attention ce qu’un pareil Vaisseau pouvoit supporter, ils avoueroient, qu’il étoit en état de soutenir tout l’effort de la tempête ; que peut-être il reviendroit dans peu de jours ; et que si on le revoyoit pas, la supposition la moins favorable, qu’on pouvoit faire, seroit, qu’il avoit été jetté sous le vent de l’Ile assez loin pour ne pouvoir pas la regagner, ce qui l’obligeroit à prendre la route de Macao sur la Côte de la Chine. Il leur dit ensuite que comme il falloit se préparer à tout évènement, il avoit, dans la dernière supposition, songé à un moyen de les tirer de l’Ile, et de rejoindre à Macao le Centurion ; que ce moyen étoit de haler la Barque Espagnole à terre, de la scier en deux, et de l’allonger de douze pieds, ce qui en feroit un Bâtiment de près de quarante tonneaux, et capable de les transporter tous à la Chine ; qu’il avoit consulté les Charpentiers, qui étoient convenus que la chose étoit très faisable, et qu’il ne falloit que les efforts réunis de ceux à qui il parloit. Il ajouta, que pour ce qui le concernoit, il prétendoit partager le travail avec eux, et qu’il n’exigeoit de quel d’entre eux que ce fût, rien, que lui commandeur ne fût prêt à faire. En terminant son discours, il leur fit sentir de quelle importance il étoit de ne point perdre de tems ; et que pour être mieux préparés à tout évènement, il falloit commencer l’ouvrage sur le champ, et tenir pour certain, que le Centurion ne pouvoit pas revenir ; parce que, quand même il re-