Page:Walter Benjamin - Paris capitale du XIXe siecle - Suhrkamp 1982.djvu/10

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certaines formes tectoniques. Il s’efforce en même temps de les détacher de leurs rapports fonctionnels et de les présenter comme des constantes naturelles : il s’efforce en somme de les styliser. Les nouveaux éléments de la construction en fer et en particulier la forme « support » retiennent l’attention du « modern style ». Dans le domaine de l’ornementation il cherche à intégrer ces formes à l’art. Le béton met à sa disposition de nouvelles virtualités en architecture. Chez Van de Velde la maison se présente comme l’expression plastique de la personnalité. Le motif ornemental joue dans cette maison le rôle de la signature sous un tableau. Il se complaît à parler un langage linéaire à caractère médiumnique où la fleur, symbole de la vie végétative, s’insinue dans les lignes mêmes de la construction. (La ligne courbe du « modern style » fait son apparition dès le titre des Fleurs du Mal. Une sorte de guirlande marque le lien des Fleurs du Mal, en passant par les « âmes des fleurs » d’Odilon Redon, au « faire catleya » de Swann). – Ainsi que Fourier l’avait prévu, c’est de plus en plus dans les bureaux et les centres d’affaires qu’il faut chercher le véritable cadre de la vie du citoyen. Le cadre fictif de sa vie se constitue dans la maison privée. C’est ainsi que L’architecte Solness fait le compte du « modern style » ; l’essai de l’individu de se mesurer avec la technique en s’appuyant sur son essor intime le mène à sa perte : l’architecte Solness se tue en tombant du haut de sa tour.

D. Baudelaire ou les rues de Paris
I

Tout pour moi devient allégorie.

Baudelaire : Le Cygne.

Le génie de Baudelaire, qui trouve sa nourriture dans la mélancolie, est un génie allégorique. Pour la première fois chez Baudelaire, Paris devient objet de poësie lyrique. Cette poësie locale est à l’encontre de toute poësie de terroir. Le regard que le génie allégorique plonge dans la ville trahit bien plutôt le sentiment d’une profonde aliénation. C’est là le regard d’un flâneur, dont le genre de vie dissimule derrière un mirage bienfaisant la détresse des habitants futurs de nos métropoles. Le flâneur cherche un refuge dans la foule. La foule est le voile à travers lequel la ville familière se meut