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habite l’empreinte de son existence individuelle privée. Quant à la fantasmagorie de la civilisation elle-même, elle a trouvé son champion dans Haussmann, et son expression manifeste dans ses transformations de Paris. – Cet éclat cependant et cette splendeur dont s’entoure ainsi la société productrice de marchandises, et le sentiment illusoire de sa sécurité ne sont pas à l’abri des menaces ; l’écroulement du Second Empire, et la Commune de Paris le lui remettent en mémoire. À la même époque, l’adversaire le plus redouté de cette société, Blanqui, lui a révélé dans son dernier écrit les traits effrayants de cette fantasmagorie. L’humanité y fait figure de damnée. Tout ce qu’elle pourra espérer de neuf se dévoilera n’être qu’une réalité depuis toujours présente ; et ce nouveau sera aussi peu capable de lui fournir une solution libératrice qu’une mode nouvelle l’est de renouveler la société. La spéculation cosmique de Blanqui comporte cet enseignement que l’humanité sera en proie à une angoisse mythique tant que la fantasmagorie y occupera une place.

A. Fourier ou les passages
I

« De ces palais les colonnes magiques
À l’amateur montrent de toutes parts,
Dans les objets qu’étalent leurs portiques,
Que l’industrie est rivale des arts. »

Nouveaux Tableaux de Paris. Paris 1828, p. 27.

La majorité des passages sont construits à Paris dans les quinze années qui suivent 1822. La première condition pour leur développement est l’apogée du commerce des tissus. Les magasins de nouveautés, premiers établissements qui ont constamment dans la maison des dépôts de marchandises considérables, font leur apparition. Ce sont les précurseurs des grands magasins. C’est à cette époque que Balzac fait allusion lorsqu’il écrit : « Le grand poème de l’étalage chante ses strophes de couleurs depuis la Madeleine jusqu’à la porte Saint-Denis. » Les passages sont des noyaux pour le commerce des marchandises de luxe. En vue de leur aménagement l’art entre au service du commerçant. Les contemporains ne se