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La pauvre femme, en entendant la sentence de ses compagnons et celle qui la condamnait elle-même à cinq ans de pénitencier, est devenue complètement folle. Elle est internée à la Longue-Pointe. Sa folie n’est pas dangereuse ; elle se croit héritière d’une grande fortune et parvenue à la richesse qu’elle a tant convoitée. Mais elle craint sans cesse qu’on ne lui ravisse ses trésors imaginaires. Elle est convaincue que des ennemis ont déjà voulu la tuer et qu’ils lui ont coupé un doigt ; et elle passe des journées entières à chercher son anneau, qui lui est indispensable pour établir ses droits.

Les médecins disent que sa folie est incurable.


FIN.


LE TROMPETTE DES HUSSARDS BLEUS


SOUVENIR DE L’INVASION ALLEMANDE PAR
ERCKMANN-CHATRIAN.

I


Chacun se souvient du passage des princes et des seigneurs allemands en Alsace, me dit le vieil instituteur Étienne Auburtin, des Trois-Fontaines. Après avoir commis chez nous les plus grands dégâts, ces barbares nous laissèrent des Badois pour nous achever, puis des landwehrs, encore plus voleurs que les autres, si c’est possible, et en dernier lieu des hussards bleu de ciel, qui ne finissaient pas d’observer le pays et de happer tout ce qui leur tombait sous la main.

Ces faits sont connus ; j’en parle seulement pour vous dire que le colonel de ces hussards, un Prussien roux, poilu jusqu’aux ongles, les yeux verts et les dents blanches comme un loup, logeait avec ses officiers chez M. le maire Trichot et s’appelait avec orgueil « baron fon Krappenfels. » Il battait la campagne jour et nuit, envoyant ses hommes à droite et à gauche, épier le monde et faire des réquisitions, qu’il expédiait à la suite de leur armée, partie à l’intérieur.

Non content de cela, cette espèce de sauvage voulait encore donner des ordres dans mon école, et ne craignit pas un soir, de me dire que si je tardais de rouvrir mes classes, si je laissais