Page:Webb - Sept pour un secret, 1933.djvu/112

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faisait-il en ce moment ? Elle revoyait la lande obscure, la route sinueuse avec de la neige fondue dans tous les creux, l’immense ciel nuageux, le cabriolet avec Winny trottant allègrement en pointant ses oreilles vers l’écurie, et la silhouette de Robert, un peu penché en avant, dans une de ses attitudes coutumières de vigueur aisée, tenant les rênes dans sa grande main experte d’un air nonchalant, auquel il aurait vite renoncé si la jument avait bronché.

Tout en contemplant les nuances brillantes des pommes de la tante Émilie, voilà le tableau paisible qu’elle voyait. En entendant les charbons tomber avec un bruit mou dans les cendres du foyer bien balayé, elle entendait aussi le trot de Winny faisant « floc » dans les trous, le craquement des harnais, le grincement du porte-fouet qui avait toujours eu un peu de jeu.

La tante Fanteague resta longtemps sur le palier, car elle n’avait pas seulement à discuter le prix avec le porteur, mais aussi à demander pourquoi son petit garçon avait manqué l’école du dimanche, qui se faisait sous une des flèches argentées. Et elle avait dû écouter un mystérieux, quoique bruyant, chuchotement lui expliquant la raison : sa bourgeoise avait eu une augmentation de famille et naturellement tout avait été chaviré dans la maison. Elle eut alors à chercher des encouragements pour l’employé et les siens et à lui faire une foule de recommandations. Aussi la tante Émilie et Gillian restèrent-elles longtemps seules. Elles ne s’étaient pas vues depuis plusieurs années, parce que la vieille demoiselle ne s’était pas sentie assez forte pour faire le voyage de Gwlfas.

Parfois, derrière les volets retentissaient des pas assourdis, aussi lugubrement, pensait Gillian, que si elle les eût entendus, tout éveillée, du fond de sa tombe,