Page:Webb - Sept pour un secret, 1933.djvu/114

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sur les champs, dit-elle, et là-dessus elle se versa une tasse de thé et on s’en tint là. « Un feu follet sur les champs », cela sonnait joliment mieux que Charles Ier. Elle aimerait connaître M.  Fanteague. Depuis sa petite enfance, toute allusion à sa personne tombait dans un silence glacial. Mme  Makepeace et elle bouillaient d’une curiosité qui, apparemment, ne serait jamais satisfaite.

— Peut-être, songea Gillian, si je suis bien aimable avec M.  Gentil, pourrai-je tirer quelque chose de lui.

Elle était trop préoccupée de se bien tenir pour se lever et aller examiner le portrait de près, mais elle le voyait assez bien de sa place, car sa vue, comme ses mouvements souples, avait quelque chose du faucon. Elle profita d’un moment où Mme  Fanteague était sortie chercher de l’eau chaude pour dire : « J’ai grand désir d’entendre lire M.  Gentil. »

— C’est son soir demain, lui confia tante Émilie, il ne manque jamais, pas depuis des années, même quand il a un rhume. Une fois, c’est la rougeole qu’il a attrapée à l’école du dimanche… Je le compare aux braves missionnaires qui soignent les lépreux, car, si ce n’était pas dangereux, il avait pourtant fait un sacrifice comparable. Une fois il a eu une otite, mais il est venu quand même.

Gillian croisa ses mains autour de ses genoux et dit sans la moindre ironie :

— Ce doit-être magnifique d’avoir un amoureux, un homme qui est fou de vous !

Tante Émilie prit bien vite une feuille de palmier accrochée au mur : elle était très gênée.

M.  Gentil, dit-elle, ne serait jamais fou de rien. Et je ne l’appelle pas mon amoureux, ni d’aucun nom si peu réservé. Je dis que c’est mon ami.