Page:Webb - Sept pour un secret, 1933.djvu/178

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caresser la bouteille, ma fille, qui donc tiendra le bar ?

— Buvez-le, dit posément Robert.

Elle but, en toussant, sur quoi Fringal se tordit de plus belle. Puis elle rendit la tasse à Robert et sourit pour la seconde fois. Elmer pinçait les lèvres, et Robert lui rendit la bouteille.

— Là, dit-il, maintenant que la pitié a eu sa part, vous pouvez disposer du reste.

— Merci beaucoup, parbleu, pour du whisky qui est à moi.

— À vous ? demanda Robert. Qu’est-ce qui est à vous ? Voilà un mot qui ne me plaît pas.

— Parce que vous n’avez rien qui vous appartienne, riposta Elmer. Qu’est-ce qui est à moi, dites-vous ? Mais cette auberge, ces chariots qui viennent, ce whisky et les moutons dans la prairie.

— Et cette femme ?

— Par Dieu oui… à qui donc serait-elle ?

— On croirait presque, dit lentement Robert, les yeux fixés sur Elmer, que vous l’avez épousée.

Les yeux d’Elmer se fermèrent à moitié, comme s’il voulait cacher leur expression et brusquement, la bouche de Fringal tomba légèrement.

Les yeux noirs, dans leur coin sombre, semblèrent refléter les trois hommes comme un miroir.

Et là-dessus Elmer poussa un éclat de rire bruyant.

— Hein, cria-t-il, marié à ça ? À cette Marie-Salope ?

Mais toute la journée, en travaillant, Robert revoyait ces yeux mi-clos, cette mâchoire tombante de Fringal, et entendait ce silence qui les avait enveloppés dans cette minute de tension.

— Monsieur Elmer ! Monsieur Elmer ! cria une voix rauque qui se perdait dans la tempête, c’est bien ici Monsieur Elmer, à l’enseigne de La Sirène ?