flamme. Ah, si c’était Robert qui se fût éveillé à côté d’elle… !
À cette pensée, la honte l’accabla et elle éclata en sanglots. Elmer eut beau baiser ses épaules nues, caresser de ses mains son corps si doux : plus il lui témoignait de tendresse, plus elle pleurait. Avec la connaissance que donne l’éveil des sens, elle savait que c’était Robert qu’elle aimait, qu’elle l’adorait parce qu’il était lui, Robert, et qu’elle préférerait sa colère à tous les présents et à tous les baisers d’Elmer.
Ainsi, pendant que le jour naissait sur la lande aux ombres violettes et éclairait le visage hagard de Robert Rideout, incapable de dormir dans son grenier, Gillian étendue pleurait, comme tant d’autres l’ont fait, parce qu’elle venait de découvrir qu’elle ne s’était pas réveillée à côté de l’homme de son choix.
Elle pensait qu’elle serait maintenant obligée d’épouser Elmer, que Robert ne lui adresserait plus jamais la parole et se marierait sans doute avec une autre.
« S’il fait cela, se disait-elle dans un soudain accès de rage, je la tuerai et moi-même après. »
Comme pour rappeler que l’inévitable banalité de la vie, telle la nourrice de Juliette, ne nous fait jamais grâce, que nous soyons dans le rire ou dans les larmes, on frappa à la porte, et, du dehors, une voix aiguë annonça le petit déjeuner.
On mettait le tapis en bas dans le vestibule et ils entrèrent dans la salle à manger. La foire était terminée, jusqu’à l’année suivante, où on roulerait de nouveau les tapis, où d’autres amoureux iraient danser dans la grande salle de bal, puis se coucheraient dans les antiques chambres. D’autres bougies veilleraient sur eux, ou seraient laissées de côté. Une fois de plus, d’énormes rôtis grésilleraient dans la graisse, on ferait pâtés et