Page:Webb - Sept pour un secret, 1933.djvu/33

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comme un oiseau qui se perche pour dormir, par la présence du solide Robert Rideout. Il était là debout, ses cheveux blancs ébouriffés, se tordant les mains, comme un frêle prophète de malheur, et raconta à Robert tous les accidents de la journée.

— Ah, c’est toujours comme ça quand mère est à la ferme, dit Robert en faisant sortir la jument qui frottait son nez tout doucement sur le drap rugueux de sa veste. Les chevaux ne travaillaient jamais si bien pour personne que pour Robert. Quand il trayait les vaches, elles donnaient plus de lait. Pas une brebis, disait-on, ne mettait bas avant terme quand c’était lui qui les soignaient. Les poules elles-mêmes, que l’instinct héréditaire pousse à cacher leurs couvées, arrivaient avec leurs poussins, comme un essaim d’abeilles, quand Robert passait par là, et ne dévoilaient qu’à ses yeux leur faute et leur fierté.

— Voilà, c’est prêt, dit Robert. Il donna les rênes et le fouet à Jonathan, lui enveloppa les jambes dans un sac, alluma les lanternes et ouvrit la grille.

— Laisse une lumière dans l’écurie, petit, pour le retour, si nous revenons.

C’était sa phrase habituelle. Allait-il simplement rappeler les canards de l’étang, il faisait à sa femme des adieux aussi tendres que s’il partait en voyage. Il était plus que probable qu’il tomberait la tête la première au milieu des canards et que les herbes s’enroulant autour de lui l’entraîneraient au fond. Il était curieux que personne ne songeât jamais à empêcher Jonathan de prendre de telles responsabilités. Par exemple il allait chercher Mme Fanteague parce qu’il le faisait toujours : il y avait eu des incidents, mais, jusqu’ici, le pire n’était pas arrivé. Il y a à la campagne une veine de fatalisme optimiste qui espère toujours que la catas-