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SEPT POUR UN SECRET…

la passion et d’être attirée par elle, et d’éprouver un sentiment maternel pour celui qui l’a fait naître. Des femmes exceptionnelles pourraient y parvenir grâce à l’intensité de leurs sentiments, grâce à la splendeur de leur amour et à leur abnégation, mais Gillian n’était pas une exception. Elle n’atteindrait probablement jamais le détachement nécessaire. L’homme aimé resterait toujours pour elle l’amant, le compagnon, le maître, celui qui donne des enfants et assure le pain quotidien, celui qui soutient. Elle serait peut-être bonne mère, mais jamais elle ne découvrirait dans un coin de la personne de son amant — fût-il celui qu’elle voudrait et non pas Elmer — le petit garçon en pleurs qui se cache en tout homme.

Robert décida qu’il fallait cesser les leçons d’écriture, non qu’il y eût rien de répréhensible dans ses rapports avec Ruth, mais parce qu’il considérait comme une sorte de déloyauté à l’égard de Gillian d’être si bien compris par une autre femme. Il éprouvait exactement ce que dut sentir l’amoureux de la vieille légende quand la Madone au doigt de laquelle il avait, sans y songer, passé l’anneau de sa fiancée, vint doucement se mettre entre eux pendant leur nuit de noce. Mais, si profondément que l’immortelle comprît le désir, ce ne fut pas une consolation pour le jeune marié tout brûlant d’amour pour son épouse si délicieusement mortelle. Il ne sert à rien d’expliquer à un enfant la structure d’une fleur, quand tout ce qu’il demande c’est la fleur elle-même qu’il veut cueillir et porter. Aussi les madones doivent-elles toujours se contenter de ne rien donner ni recevoir, de voir toujours les yeux des hommes se poser sur les roses qui se balancent au-dessus de la haie, et de les consoler quand les épines ont été cruelles.

Robert ne cueillait pas de roses, mais il rêvait à