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Page:Webb - Sept pour un secret, 1933.djvu/343

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SEPT POUR UN SECRET…

rentrant », se disait-elle, ne soupçonnant pas qu’une elfe frottait et astiquait, ayant toujours bien soin d’avoir fini longtemps avant le retour de Robert, afin que tout fût sec. Robert se trouvait bien tranquille à la ferme sans la grosse voix d’Isaïe, mais ses journées étaient bien remplies et il n’avait pas beaucoup de temps pour penser. Et il serait apparemment toujours très occupé, car le maître n’aurait plus jamais la force de mener une existence de fermier et Robert n’avait pas l’intention de l’abandonner. Il espérait seulement qu’Elmer et Gillian ne viendraient pas habiter la ferme, car il ne croyait pas pouvoir supporter des ordres d’Elmer.

« Eh bien, il faut serrer les dents et attendre pour voir ce qui adviendra », se disait-il en menant sa charrue dans les terres mouillées et fumantes, sous les nuages bas et tristes qui couvrent toujours Dysgwlfas dans les mois sombres. Et, pendant que le soc luisant creusait le sol dur, son esprit cheminait au cœur de la lande et marquait sa beauté grave des longs, brillants et fructueux sillons de l’imagination. Il s’enveloppait de la lande et atteignait à une beauté qu’il n’aurait pu acquérir dans une ville. Peu à peu, il composait son poème — âpre, doux et sauvage — et le soir, assis tout seul devant son feu, il goûtait une satisfaction consolante à se fondre dans la beauté de la terre, à apprivoiser, à dompter son charme lointain, à assembler des phrases, et à combiner des rythmes, à mêler mystérieusement son âme aux sombres étendues sous leur toit de nuages gris. La vaste lande, bordée et creusée de ruisseaux, le ciel immense voilé de nuées, ressemblaient à sa personne, grande et pleine de vie, orageuse et passionnée, et pourtant teintée de mélancolie et sur laquelle planait une philosophie.