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sept pour un secret…

je ne le regretterai pas tellement, sachant qu’on se souviendra de moi toujours et toujours.

Elle redressa son corps svelte, qui avait cette beauté particulière, rappelant un rameau souple, que donnent un dos étroit, des épaules tombantes et des hanches minces. La cicatrice de son front brillait comme de l’argent à la lueur de la lune. Les moutons remuaient autour d’elle comme des âmes en peine, et les lapins gisant à ses pieds auraient pu être des victimes offertes en sacrifice à quelque divinité des bois.

Robert la regarda, droit dans les yeux et attentivement pour la première fois de sa vie. Depuis son arrivée aux Gwlfas, il y avait douze ans, il l’avait acceptée telle qu’elle était. À présent il la voyait. Ses yeux sombres et rêveurs, si bien protégés par leurs cils, son front pensif et sa bouche, grande et belle, dont les lèvres se joignaient avec une régularité qui masquait en partie leur dureté, tout en lui sembla se pénétrer d’elle.

C’est de la même façon exactement qu’il buvait la beauté du paysage, les formes étranges et adorables des arbres et des rochers.

Pendant qu’elle se tenait là, songeant à son avenir tel qu’elle le rêvait, elle pénétra dans l’être de Robert comme une goutte de pluie au cœur d’une fleur. Ni l’un ni l’autre ne savait ce qui lui arrivait, pas plus que les moutons ne comprenaient d’où leur venait le malaise qui les troublait toujours avant la neige.

Robert était aussi simple, aussi peu prétentieux qu’un enfant, sans avoir l’égoïsme de celui-ci : il voyait le paysage et non Robert Rideout dans le site, il voyait les moutons et non Robert comme le bon berger au milieu d’eux. Les montagnes ne le faisaient pas penser à lui-même les gravissant. Quand il arrivait au bord