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SEPT POUR UN SECRET…

surant de l’horloge, le ruissellement plaintif de la pluie.

— Voudrez-vous… un jour… chanter encore la chanson d’Esméralda, Gillian Rideout ?

Pas de réponse, rien que la pluie glissant sur les vitres.

— Eh bien, Gillian, vous ne savez plus parler ?

Penchant la tête, il posa ses lèvres sur les siennes. Une éternité s’écoula. Ce baiser aurait donné le temps au monde de se séparer d’un météore en feu, de se refroidir, de se pénétrer d’humidité, de faire pousser de l’herbe et des arbres, de se couvrir de jardins et de vergers. Il y aurait eu le temps pour lui de se créer des habitants, des êtres terribles et d’autres magnifiques, temps pour que le rugissement des mastodontes éveille les échos, puis diminue et se taise, pour les poissons de devenir des bêtes terrestres, et pour ces bêtes d’acquérir des ailes, pour l’humanité d’apparaître, et même pour celle-ci de trouver son âme dans les ténèbres orageuses de l’évolution.

Cent mille siècles s’écoulèrent, ils laissèrent le temps bien loin derrière eux sur la route, comme un vieillard boiteux. Des fleurs s’épanouirent partout. Pourtant, quand Robert revint à lui après ce baiser et relâcha son étreinte, qui avait failli étouffer Gillian, les aiguilles de la vénérable horloge, qui paraissait les considérer avec étonnement, marquaient exactement sept heures cinq.

— Oh, Robert, murmura Gillian, Robert, les puissances des ténèbres ont dénoué leur prise sur moi, et je ne suis plus une enfant du péché.

Et Robert eut l’impression, en regardant le haut front qu’il aimait, et dont il avait écarté tous les cheveux en désordre, qu’il ne portait plus aucune trace de cicatrice.