Page:Webb - Sept pour un secret, 1933.djvu/41

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
19
sept pour un secret…

dehors, et que Jonathan subissait les aventures de sa journée, Gillian construisait ce rêve dans lequel elle était toujours au premier plan, en pleine lumière, tandis qu’une masse de figures s’estompaient dans le fond. Quand Mme Fanteague venait de Silveton, apportant des nouvelles du monde et un vif sentiment des belles manières, son rêve prenait une telle intensité qu’il l’empêchait de dormir toute la nuit.

Robert, avec un large soupir, la quitta comme une abeille fuit une fleur, et, comme une fleur, consciente de sa valeur mais fragile, elle parut frissonner un peu en se ressaisissant.

Il emmena les moutons vers la ferme et ils le suivirent avec un menu piétinement.

D’un de ses souples plongeons de faucon, Gillian ramassa ses lapins. Troublée par l’attitude inaccoutumée de Robert, elle se soulagea en chantant, et en marchant derrière les moutons au clair de la lune et suivant son ombre avec une curiosité impersonnelle, elle entonna sur un air à elle, d’une voix haute que renvoyait l’écho, des hauteurs de la lande :

 J’ai vu sept pies sur un arbre,
 une pour vous et six pour moi.
 Une pour la douleur,
 deux pour la joie,
 trois pour une fille,
 quatre pour un garçon,
 cinq pour de l’argent,
 six pour de l’or…

Et plus bas, dans le vallon, près du ruisseau à la voix basse, Robert, de son timbre riche et bien posé, acheva la chanson :

  sept pour un secret
  qui n’a jamais été révélé.