Rappelez-vous que quand Robert Rideout est né, Abigaïl en avait quarante-trois, et on ne trouverait pas un gaillard plus fort, plus solide…
Mme Fanteague se leva pour la seconde fois.
— Oh, restez assise, ma sœur. Je suis muet comme la tombe.
— Est-ce que la pauvre tante Émilie est toujours amoureuse, tante ?
Ce roman d’Émilie passionnait Gillian depuis des années.
— Oui, ma chère.
— Et M. Gentil vient toujours la voir ?
— Régulier comme une horloge, plus régulier qu’une pendule moderne.
— Mais ils ne vont pas se marier ?
— Je ne sais pas, ma chère.
— Qu’en pense tante Émilie ?
— Elle ne trouverait pas convenable de rien penser tant que M. Gentil n’aura pas parlé.
— Et il ne le fait pas ?
— Non ma chère, pas un mot sur ce sujet. Il dit que le vent va amener de la pluie, ou qu’il y a des montagnes de poussière en mars, ou que les pommiers en fleur sont ravissants, où que le sermon a été parfait. Et puis il lit… en ce moment nous entreprenons Crabbe[1]. Une fois il a dit qu’il aimait le mauve quand tante Émilie avait une robe de ce ton. Mais c’est tout.
— Ha ! dit Isaïe se cachant la figure avec sa tasse.
— Oh ! tante, comme c’est affreux.
— Non, ma chère, c’est tout à fait charmant.
— Affreux pour la pauvre tante Émilie. Mijoter à
- ↑ Poète (1754-1832).