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Page:Webb - Sept pour un secret, 1933.djvu/82

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un peu d’écume de mer. Y en a qui disent qu’on l’a vue sur la lande avec un berger qui avait un talisman pour la conserver toujours mortelle. En tout cas un peintre d’enseigne l’a mise là sur une planche, et c’est là qu’elle est.

« C’était une Gillian !» se dit Robert. Cette façon de braver le sort, de séduire les hommes, cette effronterie et cette manière de se dérober, c’était tout Gillian, et le départ du lendemain à la conquête du monde ressemblait beaucoup au voyage de la sirène. Il voudrait bien avoir été ce berger à la fin de l’aventure. Il savait si bien ce qu’il lui fallait, à elle, et il était impuissant à le lui donner. Tout ce qu’il pouvait, c’était mettre son âme dans un poème et l’y élever sur le trône. Y serait-elle sensible ? Il fit claquer ses doigts :

— Pas de cela ! s’écria-t-il, et il se mit à l’aimer.

— Bougre, petit, t’as failli me faire couper.

Jonathan, quand il maniait son couteau, redoutait toujours la suprême catastrophe.

Des pas mous et rapides se firent entendre dans la boue, et, après un bruit de pieds grattés et frottés, Abigaïl entra et se mit immédiatement à préparer le souper.

— Eh bien, la patronne, demanda Jonathan, ça y est, emballage, étiquette ?

Robert s’immobilisa de façon frappante : ses mains brunes reposaient inertes sur ses genoux, ses yeux se fixèrent sur le visage de sa mère.

L’impérieuse nécessité de surveiller Jonathan la gênait pour causer. Pas un ange gardien près d’un pêcheur, pas un chasseur le doigt sur la gâchette, pas un chat devant un oiseau n’aurait pu avoir l’esprit plus tendu, plus absorbé qu’elle quand Jonathan tenait un couteau. Chaque fois qu’il prenait une branche et en taillait un côté pour préparer un solide soutien à